« Pour un oiseau tué, 3 cartouches reçues », promet la BACC 87 !

Une association d’agriculteurs et de chasseurs en décalage total avec la situation d’effondrement de la biodiversité et la nécessité de revoir un modèle agricole mettant en danger l’homme et la nature.

Au moyen d’une hot-line dédiée à la destruction des corvidés, un numéro d’appel pour les agriculteurs et les signalements permettant de localiser les becs droits ; un autre pour identifier les volontaires désireux de s’adonner à une chasse dite « de régulation ». A un signalement, dans un champ par exemple, l’idée est de faire correspondre une opération commando de chasseurs actifs sur le secteur. 

Les corneilles et les freux (effectifs en baisse de 41% en france entre 1989 et 2013) sont la cible désignée, (cf. logo de la BACC87). Quand un oiseau entre dans son périmètre de tir, un chasseur expérimenté a besoin d’un, voire deux, coup(s) de fusil pour descendre sa victime. La BACC87 promettant trois cartouches pour tout oiseau tué, avec un peu d’adresse et d’assiduité, tout chasseur peut donc espérer se procurer gratuitement des munitions utilisables pour d’autres types de chasse. De quoi motiver au cas où la récente diminution par deux du prix du permis de chasse ne suffirait pas. Merci les sponsors, au nombre desquels figure Decathlon Limoges.

Tuer les corvidés est un sport ou un loisir qui a ses adeptes. Présenté sous un jour favorable, quasi vertueux, sollicitant la notion de service rendu tant à la communauté des agriculteurs qu’à la collectivité (discours régulation et biodiversité), il n’en demeure pas moins un massacre. D’après la dernière grande enquête nationale relative à la chasse à tir, c’est-à-dire sans les tirs de destruction autorisés hors période de chasse, le nombre de corvidés tués pendant la saison 2013-2014 était estimé à 1 140 492, dont un peu plus de 383 000 corneilles noires. Plus d’un million de corvidés sans compter les victimes des opérations commando telles que celles envisagées par la BACC, c’est énorme. Un véritable corvicide.

Ces pratiques (chasse et destruction) constituent certes un droit mais pour Crow Life, rien ne justifie qu’il soit exercé aveuglément et cruellement. Les corvidés ne sont peut-être « que » des oiseaux mais ce sont des êtres sensibles dotés de facultés cognitives remarquables – le fait est scientifiquement bien établi. Les pies par exemple ont une conscience de soi comparable à celle d’un enfant ; les corneilles n’oublient jamais un visage et font preuve de comportements allo-parentaux fascinants… Il n’empêche. On tue les adultes, les parents et on laisse agoniser lentement les petits au nid. Non seulement la pratique est cruelle, barbare, mais elle paraît inefficace voire contre-productive : communiquant entre eux (danger à terre ou par les airs, etc), territoriaux, les corvidés n’abandonnent pas aisément un site. Les oiseaux tués auraient plutôt tendance à être « remplacés » et le site à être « défendu ». De plus, ils jouent un rôle utile aux écosystèmes en se nourrissant notamment de rongeurs, de limaces, insectes, etc., et en jouant un rôle de nettoyeurs. En tout état de cause, ces oiseaux sont sans doute plus bénéfiques à l’homme et à l’environnement que le Glyphosate, la Bromadiolone, les raticides et autres produits toxiques de même acabit. 

Crow Life entend aussi interpeller l’opinion publique et les agriculteurs de Haute-Vienne sur le rôle joué par le président de la Chambre d’agriculture dans cette affaire. Que Bertrand Venteau puisse cautionner et associer leur institution à pareille entreprise dénote un déni partisan de la recherche et de l’existence de solutions alternatives. Plutôt que de poursuivre les corvidés de sa vindicte jusqu’à en lâcher dans le hall de la DDT et de la DREAL avec des souris pour démontrer quels redoutables tueurs ils peuvent être (l’oiseau a-t-il été capturé puis affamé aux fins de la mise en scène ?) ; ne serait-il pas plus judicieux de s’atteler à des problèmes plus préoccupants dans et pour le département, tels que les captages effectués dans la Vienne et les conséquences de l’agriculture intensive ? Néanmoins et pour ne pas évacuer la question des corvidés, Crow-Life recommande aux Chambres d’Agriculture de conduire une évaluation de la pression réellement exercée par ceux-ci et des dommages agricoles signalés par zone ; d’organiser une formation aux techniques alternatives dont les bénéficiaires seraient les titulaires du droit de destruction ; et de constituer un groupe de travail réunissant une pluralité d’acteurs – agriculteurs, chasseurs et associations d’environnement ou de protection animale compris – afin de faciliter la recherche et la mise en œuvre de solutions satisfaisantes.Enfin, au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent et des articles du Code de l’Environnement encadrant l’exercice du droit de destruction, Crow Life demande instamment au Préfet de Haute-Vienne de :

  • Refuser toute autorisation de destruction des corvidés déléguée à la BACC 87 par les agriculteurs (propriétaires,…) et/ou modifier l’arrêté l’autorisant ; et, au-delà, de :
  • Conditionner la délivrance d’une autorisation de destruction à sa rédaction individuelle écrite par le titulaire du droit ET à la mise en œuvre de mesures réelles d’effarouchement devant demeurer implantées sur les zones à protéger ;
  • Refuser toute autorisation au délégataire qui, dans le cadre de l’accomplissement de sa délégation, recevrait une incentive (3 cartouches reçues par corvidé tué constituent une incentive) au motif de l’interdiction de toute forme de rémunération ;
  • Limiter le nombre de délégations détenues par une personne physique ou morale afin d’éviter l’émergence de quasi professionnels du corvicide.

Crow Life appelle à une mobilisation de l’opinion publique via une pétition : Non au corvicide, non à la BACC en Haute-Vienne.

1. ONCFS (2016) « Enquête Nationale sur les Tableaux de Chasse à Tir. Saison 2013-14. Résultats Nationaux ». Faune Sauvage 310 sup. 1er trim. 2016

2. http://www.terredactu.com/pour-dire-non-à-lécologie-coordination-rurale-sacrifie-le-soldat-souris.html