Une intervention réparatrice du bec rend un avenir à un corbeau-pie africain

Début de l’anesthésie, partie supérieure du bec présentant une déformation visible.

Deux corbeaux-pie africains âgés de 9 ans, un mâle et une femelle, ont été confiés à Crow-Life cet été.  Vivant en captivité en appartement, les deux oiseaux avaient grandi ensemble et leur placement à l’association était motivé par une double préoccupation : ne pas les séparer et donner une chance de survie à la femelle. 

Cette dernière présentait une difformité du bec ayant des conséquences sur son alimentation (aliments préhensibles/non préhensibles → amaigrissement, déséquilibre nutritionnel) comme sur le plumage (comportement de lissage, toilettage → le bon état du plumage joue un rôle déterminant en isolant de la pluie, du froid et pour le vol bien entendu).

Le bec d’un oiseau est, comme nos ongles, composé de kératine. Comme eux, il pousse régulièrement. Pour le limer, l’oiseau s’essuie vigoureusement le bec de part et d’autre sur une branche voire sur un perchoir lorsqu’il vit en captivité. Maintenir son bec dans un état fonctionnel exige de pouvoir l’user. Les conditions de captivité ne sont toutefois pas en cause ici : mâle et femelle étaient élevés dans des conditions identiques or seule la femelle présentait une grave excroissance du bec.

Un trouble de la kératine aviaire (avian keratine disorder, AKD) en est vraisemblablement la cause. Chez les oiseaux atteints d’AKD, le rythme de croissance du bec est bien plus rapide que le rythme auquel ils peuvent l’user et l’on observe alors ce type de difformités. Cette pathologie se rencontre chez différentes espèces sauvages et sur tous les continents ; n’affectant pas seulement des corvidés[1],  elle est potentiellement mortelle du fait de la privation de nourriture.

À Crow-Life, la décision fut d’intervenir afin d’éviter à la corbeau-pie un tel sort.  Après un  temps consacré à la récupération d’un état général nécessaire à une intervention sous anesthésie générale, la corbeau-pie a été opérée. C’est le Dr Florine Wedlarski, vétérinaire référent de l’association, spécialiste faune sauvage et aviaire au Bioparc de Doué la Fontaine, qui a procédé à l’opération sous anesthésie au gaz assistée de Nell, membre de Crow Life. À son réveil, la corbeau-pie avait retrouvé un bec normal. Aucune complication post-opératoire et elle mange désormais comme son compagnon !

Le docteur Werdlaski en pleine intervention

En l’état actuel des connaissances, les origines de l’AKD sont encore floues. La piste virale, celle de contaminants présents dans l’environnement, d’une bactérie…  Beaucoup de pistes sont envisageables et rien ne permet d’affirmer, ni d’infirmer, l’hypothèse d’une modification de l’ADN  ou d’une héritabilité génétique de l’AKD. Il peut tout autant s’agir  d’une malformation congénitale acquise au cours du développement embryonnaire. En d’autres termes, des petits issus de géniteurs avec AKD seraient-ils plus atteints par l’AKD que ceux issus de parents exempts de la pathologie ? On ne sait pas encore répondre à cette question. Nos deux corbeaux-pie continueront à couler des jours heureux à Crow-Life. S’agissant d’un couple leur éventuelle reproduction ne sera pas favorisée, néanmoins considérant que son éventualité ne peut être tout à fait écartée, l’association entend se rapprocher d’une équipe de chercheurs travaillant sur les analyses ADN d’oiseaux AKD / oiseaux sains ; qui sait ? La corbeau pie opérée aujourd’hui et son compagnon, s’ils avaient demain une progéniture, pourraient contribuer à fournir des réponses au problème posé par l’AKD à l’ensemble de la faune aviaire. Sans bouger de leur ‘’chez eux’’ et sans préjudice pour leur intégrité physique ou celle de leurs potentiels BB corbeaux-pie africains.

Quoiqu’il en soit, ici et maintenant, toute l’équipe de Crow-Life se réjouit du succès de l’opération de la corbeau-pie. Sans le succès de cette intervention, le pire était à envisager. Directement pour elle voire, indirectement, pour son congénère. L’intervention lui a rendu un avenir et des comportements propres aux corvidés (fouille, cache…) qui ne faisaient pas / plus partie de son répertoire. En tout cas, elle a mis fin à l’apathie qui était la sienne et sa vitalité est une telle récompense que nous avons eu envie de la partager avec vous.

Toute notre reconnaissance va au Dr Florine Wedlarski pour le succès de son intervention, sa rapidité et sa précision 

Aux personnes qui, ayant élevé et s’étant attachées à ces deux oiseaux, ont eu le courage et l’abnégation de s’en séparer en pensant d’abord à l’intérêt des corvidés nous pouvons dire aujourd’hui : « vous avez bien fait : regardez-la ! » 

Merci enfin à tous les amis de Crow-Life qui soutiennent son action. Merci de considérer que la vie d’un corvidé compte quand d’autres se diraient : « un de plus ou un de moins… »

 

La meuleuse permettant de redonner une forme au bec.

À son réveil, le bec a retrouvé sa forme.
À nouveau ensemble et semblables

[1] – Plusieurs dizaines d’espèces sont concernées dont quelques espèces de corvidés : la prévalence de l’AKD est de 17% chez la corneille d’Alaska et la pie est également atteintes de difformités (Zylberberg et al, 2020