Espèces protégées + mesures de confinement = doublement intouchable ? Faux. Le Choucas des Tours va se faire massacrer en Maine-et-Loire

Que vaut le statut d’espèce protégée du Choucas des Tours face aux intérêts de producteurs de maïs, de soja et de tournesol en Maine-et-Loire ? Pas grand-chose : contre l’avis défavorable du Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel et en dépit des mesures de confinement interdisant actuellement tout acte de chasse ou de destruction, le Préfet du Maine-et-Loire vient de placer un contrat sur la tête de 500 Choucas des Tours, une espèce protégée de la famille des corvidés. 


L’hypocrisie du chiffre (des victimes directes et indirectes)

D’ici au 30 juin, 500 oiseaux pourront être détruits par tir ou par piégeage sur une trentaine de communes du département (Arrêté n° 2020-12 du 26 mars 2020). L’arrêté précise qu’il s’agit d’un « maximum » mais la période de destruction couvrant celle de la nidification, tuer 500 adultes équivaudrait évidemment à en supprimer beaucoup plus : d’une part, les oisillons au nid mourront lentement mais sûrement de faim en attendant le retour des adultes ; d’autre part, même en admettant que l’un des adultes du couple en réchappe, non seulement la couvée aura peu de chances de s’en sortir mais le survivant ne s’accouplera plus jamais en raison de la monogamie du Choucas – il est « fidèle » à vie. 

Une armée de sortie en période de pandémie

Pour se charger de la sale besogne, une véritable armée a été levée. Constituée d’une centaine de volontaires bénévoles du coin, elle réunit force éleveurs de bovins ou de porcs et des agriculteurs. Au total, 105 tireurs et 6 piégeurs pour un quota de 500 Choucas. Un tel déploiement humain apparaît démesuré, excessif et inconséquent car, enfin, est-il sans risque d’autoriser le déplacement de tant de personnes en période de pandémie ? Comment permettre à une centaine d’individus de tuer 4 ou 5 Choucas chacun au risque d’exposer la majorité des gens à un risque sanitaire majeur ? 

L’intervention d’un organisme qui fait redouter la répétition du scénario breton

Peut-être s’agit-il d’une concession destinée à « acheter » la paix sociale avec les agriculteurs déclarant des dégâts occasionnés par les corvidés aux cultures (au passage, il conviendrait d’intégrer les économies réalisées grâce au Choucas des Tours qui est largement insectivore) ; Peut-être sont-ce là les prémisses d’une plus vaste opération. Craignant que le département serve de laboratoire d’expériences à la région des Pays-de-Loire, Crow-Life tire la sonnette d’alarme et met en garde contre l’amorce d’un processus comparable à celui de la Bretagne où les dérogations concernaient au départ 200 Choucas puis de plus en plus, au point qu’un véritable massacre y soit autorisé : pour 2021, un quota de 20 000 Choucas des Tours a été accordé à la FREDON (Fédération Régionale de Défense contre les Organismes Nuisibles). En Maine-et-Loire, même opérateur : une FDGDON a porté la demande de destruction et en assurera la réalisation. Précisons que les FDGDON agissent au niveau départemental ; la FREDON, au niveau régional ; leur regroupement en région Pays-de-Loire donnant Polleniz, organisme au chiffre d’affaires annuel avoisinant les 8 millions d’euros.

Pas de mesures expéditives quand des alternatives existent et sans réflexion sur les conditions favorisant/défavorisant localement l’installation des oiseaux

Pour Crow-Life aucune dérogation ni aucune destruction ne devrait être accordée sur la foi de déclarations d’autant moins contrôlées/contrôlables qu’elles obéissent désormais à une procédure simplifiée et sont souvent directement gérées par les fédérations de chasse ou par des organismes semi-publics inféodés à l’agriculture. Ni sans avoir vérifié que des moyens d’effarouchement ont effectivement été mis en œuvre préalablement, lesquels et comment, en application de la Directive Oiseaux. Mieux, il conviendrait de s’attaquer aux racines du problème plutôt que d’autoriser des destructions inopérantes dans d’autres régions. Par exemple en évitant de semer aussitôt après avoir labouré (laisser quelques jours d’intervalle entre les deux opérations permet aux oiseaux de se nourrir des insectes présents dans la terre des sillons) et en plantant plus profondément les semis ; ou encore en tenant compte du comportement des oiseaux pour éviter de créer les conditions favorables à leur installation. D’après une étude, on sait ainsi que les colonies de Choucas s’installent préférentiellement dans des communes situées à proximité de zones d’élevage extensif, les excréments des bêtes pâturant au pré attirant les insectes coprophages – mouches, bousiers, etc. – ces derniers attirant à leur tour les Choucas. Localement le choix de cultiver du maïs, du soja ou du tournesol gagnerait certainement à tenir compte du voisinage, les zones d’élevage attirant les oiseaux – et pas seulement des Choucas.  

Et si l’on repensait le modèle agricole au lieu de tuer pour le préserver ? 

Caricatural, mauvais gestionnaire, dispendieux et destructeur  de notre planète il craque de partout. Les filières et leurs interlocuteurs sont aujourd’hui aveuglément emportés par leurs enjeux à court terme, le maintien de leurs populations et leur reproduction. Bien plus que par le respect des milieux, des espèces sauvages, la complexité du biotope.
Les populations nicheuses de Choucas des Tours sont en France encore relativement préservées. Mais si des estimations de l’INPN (Inventaire national du Patrimoine Naturel,  MNHN) évoquent une amélioration tendancielle modérée au cours des dernières années, la tendance générale pour les 30 dernières années est au déclin de l’espèce. Nous disons NON aux dérogations administratives insuffisamment étayées qui font fi des avis scientifiques comme aux dérogations à répétition (déroger de façon récurrente, s’appelle-t-il encore déroger ?)

Le Choucas des Tours est une espèce protégée.
Alors c’est simple : Protégez-le.

1- 20200116_ceh_avis-dep-49_choucas-des-tours.pdf
2- https://cdnfiles1.biolovision.net/www.gobg.ch/userfiles/Choucas/AvinewsdohlefrzDez12.pdf
3- par populations on entend les acteurs : exploitants, agents de l’Etat, syndicalistes, cheptel… 
4- on entend ici la pérennité des structures : exploitations, syndicats, administrations, filières commerciales…