Perquisition, convocation à la gendarmerie, condamnation par le tribunal, menaces… tout ça pour la libération d’une corneille prise au piège ?!

Monique Colnay

30 avril 2019. A Brazey-en-Plaine, petit village de Bourgogne où ils habitent, Monique Colnay et son mari Jean-Claude sont partis marcher. Les deux septuagénaires en ont l’habitude. Longeant le canal, les voici rapidement en pleine campagne. Au détour d’un chemin cependant, une rencontre les attend qui leur vaudra une perquisition à domicile le 3 mai suivie d’une convocation à la gendarmerie trois jours plus tard avec relevé d’empreintes, photos de face et de profil pour finalement les conduire à comparaître au pénal devant le Tribunal de Dijon le 6 juin. Que s’est-il passé ? Monique et son mari seraient-ils de ces nouveaux seniors délinquants que la société désigne désormais comme des ‘’pappys flingueurs’’ ?  

Interviewée par Crow-Life, Monique raconte la découverte d’une corneille prisonnière d’une cage-piège dans un champ. Une vision qui bouleverse cette passionnée d’oiseaux et qui va la pousser à l’action : aidée de son mari, elle a ouvert la cage et rendu sa liberté à l’oiseau lequel s’est envolé sans demander son reste. Une bonne action aux yeux d’une partie de la société mais une action interdite et sanctionnée par la loi. Or Monique et Jean-Claude ont été vus et dénoncés. Et si les gendarmes ont perquisitionné à leur domicile, c’est pour « vol et dégradations ». Monique se souvient : « Pendant la fouille à domicile, ils sont même allés dans la chambre à coucher, ils ont tout regardé et j’ai failli leur demander de vérifier si j’avais caché le piège sous les draps. Ils sont aussi allés dans le pré et les dépendances et au moment de partir ils nous ont convoqué à la gendarmerie pour une audience mon mari et moi. Quand j’ai lu la convocation, j’ai vu marqué : ‘’vol et dégradations année 2017 à 2019’’. Je me suis dit ‘’Nan mais c’est pas vrai !! Hors de question qu’on me mette ça sur le dos ! Je reconnais pour la petite corneille, c’est vrai, mais pour le reste non ! La colère m’a prise, je suis partie à la police, au commissariat de Dijon pour porter plainte pour dénonciation calomnieuse mais la police était débordée et n’a pas voulu recevoir ma plainte alors je suis allée au tribunal de Dijon trouver un avocat d’office qui m’a dit « mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ?!? ». La gendarmerie n’a jamais voulu prendre ma plainte. Ils n’ont jamais voulu. J’ai écrit au tribunal jamais de réponse ; au commissariat, pareil. Au tribunal, deux gaillards de Brazey ont baissé la tête en me voyant. Ils ont laissé tomber « vols et dégradations ». Les deux gaillards étaient chargés de représenter la coopérative de cultivateurs, tous de la famille des XXXX [ndlr : suppression du nom]. Tout leur appartient dans le coin. Moi, je suis une enfant du pays mais je peux vous dire que c’est un sale bled, avec une sale mentalité. »    

Chaque année en france, des milliers de corneilles piégées et tuées

Une partie des charges pesant sur le couple étant abandonnée, restait ce que la loi appelle un « lâcher non autorisé d’animaux nuisibles » [ESOD]. Un acte relevant de la 5eme catégorie de contraventions, susceptible d’être sanctionné administrativement et financièrement (jusqu’à 1 500€). Monique et son époux seront finalement condamnés par le substitut du procureur à payer une amende de 200€ chacun. Quatre cents euros, c’est une somme importante pour le couple de retraités mais pire est le fait de vivre dans la crainte. Monique n’a pas peur pour elle-même, non, mais pour son mari lequel aurait reçu des menaces de  X., « un agriculteur qui a toujours un fusil sur son tracteur ». A deux reprises au cours de l’interview, Monique répétera comme se parlant à elle-même : « Ce sont des histoires comme celle-là qui alimentent les faits divers… ». L’objectif de la partie adverse était-il dissuasif ? Peut-être. Chez Monique Colnay cependant la passion, l’en-vie de protéger et de sauver des corvidés est en acier. Elle a résisté à tout. Même à la honte d’être traités « comme des assassins ». Les potences, les pièges, l’absence d’eau et de nourriture, les choucas faits prisonniers par erreur et dont douter qu’ils s’en sortent réellement vivants malgré l’obligation faite de les libérer, Monique continue de les dénoncer et les qualifie volontiers de « barbarisme ». Après cette histoire, Monique fera-t-elle à nouveau parler d’elle ? Rien n’est moins certain car si notre mamie flingueuse – ceci dit affectueusement – avoue n’avoir aucun regret de son acte, elle a celui de ne pas avoir agi plus discrètement. Parce que, nous dit-elle, « on ne sait jamais».